Plusieurs événements à mettre à l’agenda des amateurs de photographie se tiennent à Paris en marge de la manifestation du Grand Palais.
Pour sa 8e édition, le salon Appr oc he, de format restreint mais de haute qualité, réunit 15 galeries – 6 françaises et 9 étrangères – présentant l’exposition personnelle d’un artiste sur le thème de l’expérimentation de l’image. On retiendra le bel accrochage de Jesse Wallace (1991), jeune photographe franco-américain autodidacte présenté par la galerie Écho 119, dont les œuvres relèvent presque autant de la sculpture que de la photographie et explorent à travers des images saisies principalement aux États-Unis et à Hawaï divers procédés traditionnels revisités par la technologie numérique. Dans un registre différent, mais tout aussi intéressant, Antoine De Winter développe chez Hangar une série de portraits à partir de faux-profils d’abonnés générés par intelligence artificielle sur les réseaux sociaux, qu’il tire sur des plaques de verre parfois doublées d’un fond couvert de feuilles d’or, ou sur des carrés de toile grossièrement découpée qu’il enferme dans des boîtes en verre à la manière de reliques. L’étrangeté des visages composés artificiellement donne à ces portraits un caractère mystérieux que renforce encore leur corrélation (délibérée ou non ?) à l’iconographie sacrée (évoquée par les fonds dorés – comme ceux des icônes – ou par la référence à la légende de sainte Véronique dont les représentations montrent la sainte tenant un voile carré sur lequel est imprimé le visage du Christ – ce qui fait d’ailleurs d’elle la patronne des photographes) . Âgé de 39 ans, Antoine De Winter est médecin et anthropologue. Après sa thèse de doctorat, il s’est lancé dans des études de photographie à l’école Agnès Varda à Bruxelles dont il est sorti diplômé en 2018.
Appr oc he, Le Molière, 40 rue de Richelieu, 75001 Paris, du jeudi au samedi de 13h à 20h, le dimanche de 13h à 18h, jusqu’au 10 novembre 2024.
Sur la rive gauche, le festival Photo Saint-Germain offre avec sa 13e édition un parcours en 40 étapes à travers galeries, musées, librairies, hôtel, écoles d’art et centres culturels.
Les lieux, dates et jours d’ouverture des différentes expositions sont détaillés sur le site du festival : http://www.photosaintgermain.com
De nombreuses expositions ont également lieu dans les galeries ou les musées.
Au Bal, lieu dédié à toutes les formes contemporaines de l’image, on peut voir jusqu’au 22 décembre une rétrospective consacrée aux premières décennies de l’œuvre d’Yasuhiro Ishimoto, éminent représentant de la photographie japonaise jusqu’ici peu connu en France. Né en 1921 à San Francisco (USA), Ishimoto passe son enfance et son adolescence au Japon avant de revenir en 1939 poursuivre des études d’agronomie aux Etats-Unis (ses parents sont agriculteurs). Placé en camp d’internement en 1942 après l’attaque de Pearl Harbor, comme tous les Japonais résidant aux Etats-Unis, il s’y initie aux techniques photographiques. Libéré en 1944, il rejoint en 1948 l’Institute of Design de Chicago, fondé en 1937 par Moholy-Nagy sous le nom de New Bauhaus, où il suit jusqu’en 1952 l’enseignement expérimental de la nouvelle section photographique dirigée par Harry Callahan. Imprégné de cette expérience, Ishimoto développe un style très personnel, qui marquera très fortement les architectes, designers et photographes japonais lors de son retour au Japon. Les photos qu’il réalise en 1953-1954 de la villa impériale Katsura à Kyoto sont d’une incroyable modernité. Sa double culture japonaise et américaine, qui rend son travail particulièrement intéressant, sera cependant longtemps un handicap pour sa reconnaissance, Ishimoto n’étant jugé représentatif ni de la photographie japonaise, ni de la photographie américaine. Ce décalage sera pourtant très productif pour la photographie japonaise que le travail de l’américano-japonais bouleversera complètement.
Yasuhiro Ishimoto, Le Bal, 6 impasse de la Défense, 75018 Paris, le mercredi de 12h à 20h, du jeudi au dimanche de 12h à 19h, jusqu’au 22 décembre 2024.
Au Jeu de Paume se tiennent parallèlement deux expositions très contrastées.
L’américaine Tina Barney (1945) présente, sur des tirages de très grand format, des portraits de familles américaines et européennes de la ‘upper class’ (y compris de membres de sa famille proche) dans les décors luxueux de leur vie quotidienne. Les images sont très belles et sociologiquement intéressantes.
Dans un genre on ne peut plus différent, la rétrospective consacrée à Chantal Akerman (1950-2015), que l’on a pu voir au printemps dernier à Bruxelles et qui rassemble de très nombreuses archives et vidéos de la réalisatrice belge, est passionnante et émouvante. L’abondance d’extraits de films et de vidéos requiert beaucoup de temps pour se plonger dans l’univers si singulier et incroyablement d’avant-garde de cette artiste.
Tina Barney, « Family Ties » et Chantal Akerman, « Travelling », Jeu de Paume, 1 place de la Concorde, Jardin des Tuileries, 75001 Paris, le mardi de 11h à 21h, du mercredi au dimanche de 11h à 19h, jusqu’au 19 janvier 2025.
La fondation Henri Cartier-Bresson présente la première exposition en France de l’artiste française autodidacte Mame-Diarra Niang, née à Lyon en 1982, qui interroge les représentations du corps noir dans la culture occidentale en utilisant le flou et les distorsions. Dans ses images colorées, la lisibilité du portrait s’efface peu à peu pour devenir une forme complètement abstraite, voire invisible. Un travail sur la mémoire, le souvenir et l’effacement, qui fait réfléchir.
Mame-Diarra Niang, « Remember to Forget », Fondation Henri Cartier-Bresson, 79 rue des Archives, 75003 Paris, du mardi au dimanche de 11h à 19h, jusqu’au 5 janvier 2025.
La Bibliothèque nationale François-Mitterand montre une petite sélection de photographies de la collection Jérôme Prochiantz qui lui a été léguée l’an dernier.
« Le goût de la photographie : dans la collection de Jérôme Prochiantz », Bibliothèque nationale François-Mitterand, du mardi au samedi de 10h à 19h, le dimanche de 13h à 19h, jusqu’au 12 janvier 2025.
On mentionnera encore l’exposition de la MEP (maison européenne de la photographie) consacrée aux relations des plantes avec les arts visuels, qui semble intéressante par la qualité des photographes exposés (Anna Atkins, Karl Blossfeldt, Gohar Dashti…) mais que je n’ai pas eu l’occasion de visiter, pas plus que la rétrospective organisée par le Centre Pompidou en hommage à la photographe américaine Barbara Crane, ni celle que la MEP consacre à Dolorès Marat à la fondation Sozzani à l’occasion du Prix du Livre Robert Delpire qui l’a récompensée en 2023 (pour avoir un aperçu du travail de Dolorès Marat, on se reportera à l’article sur les Rencontres d’Arles 2023 paru ici : https://www.parisartnow.com/10-expositions-incontournables-aux-rencontres-darles-2023/)
Pour finir, le festival Photo Days qui fête sa 5e édition propose pendant tout le mois de novembre des expositions dans plus de 80 lieux à Paris et en Ile-de-France.
https://photodays.paris
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