Après de nombreux reports liés à la crise sanitaire, la 14e édition du salon du dessin contemporain Drawing Now Art Fair, initialement prévue en mars 2020, a finalement ouvert ses portes près de la Bastille cette semaine dans un format réduit, sous le nom de Drawing Now Alternative.
Une joyeuse ambiance de retrouvailles régnait lors de l’ouverture dans les stands des 34 galeries – au lieu de 72 lors des deux dernières éditions – réunies par le duo mère-fille Christine Phal et Carine Tissot (respectivement présidente et directrice de la foire) dans l’ancien magasin Habitat en attente de reconversion de la rue du faubourg Saint-Antoine qui sert de cadre à cette édition.
Le Carreau du Temple qui abrite habituellement la manifestation étant cette semaine occupé par la foire Urban Art Fair, les organisatrices se sont repliées sur cet espace dans lequel les galeries présentes semblent avoir trouvé leurs marques, l’enthousiasme de retrouver visiteurs et collectionneurs primant sur les conditions d’exposition moins confortables. Lassé des foires dématérialisées et autres propositions en ligne, le public s’est montré ravi de pouvoir renouer physiquement avec les œuvres et les artistes, en dépit des contraintes sanitaires toujours en vigueur. Celles-ci offrent du moins l’avantage de permettre une déambulation fluide et aérée dans les allées et sur les stands, les jauges d’occupation restreignant de 50% le nombre habituel de visiteurs autorisés.
Malgré la baisse du nombre de galeries, la qualité est au rendez-vous de cette édition et les ventes semblent avoir bien démarré.
Parmi la centaine d’artistes qui devaient être exposés au salon l’année dernière, le comité de sélection du prix Drawing Now, qui vise à soutenir la création émergente, avait retenu comme chaque année cinq candidats : Nicolas Daubanes (galerie Maubert), Odonchimeg Davaadorj (galerie Backslash), Mathieu Dufois (galerie C), Delphine Gigoux-Martin (galerie Claire Gastaud) et Julien Tiberi (galerie Semiose). Reporté pour cause d’annulation de la foire en 2020, le prix a été décerné ce mercredi à Nicolas Daubanes, dont on a pu voir notamment les dessins au palais de Tokyo l’année dernière.
Né en 1983, l’artiste originaire des environs de Toulouse explore les notions de liberté et de résistance et a centré jusqu’ici son travail sur l’univers carcéral. Les œuvres présentées à Drawing Now par la galerie Maubert associent différentes techniques mises en œuvre par l’artiste. La fragilité de ses dessins aimantés tracés à la limaille de fer, dont les contours peuvent disparaître d’un coup de brosse, trouve sa contrepartie dans la forme plus incarnée des œuvres réalisées au pochoir sur des plaques de verre ou de céramique, où les particules de fer en fusion projetées par la disqueuse viennent prendre corps avec la matière.
Poétique et mystérieuse, l’installation d’Odonchimeg Davaadorj se déploie sur les murs de la galerie Backslash en une multitude de papiers découpés. La figure humaine s’y associe avec le monde animal et végétal pour former une grande famille du vivant dont les liens se traduisent en créatures hybridées. Parfois reliés par de minces fils de coton, des corps flottent dans l’espace, évoquant des vies passées ou en devenir et formant des constellations humaines. Des mains surgies de l’invisible guident la destinée des âmes. Marquée par son enfance passée en Mongolie au contact de la nature et de la culture chamanique, la jeune artiste née en 1990 vit et travaille en France depuis une douzaine d’années. Lauréate du prix ADAGP au salon de Montrouge en 2018, elle est actuellement en résidence à la Drawing Factory, un ancien hôtel de l’avenue Mac-Mahon reconverti temporairement par les organisatrices de Drawing Now en lieu de création qui accueille jusqu’au mois de septembre une trentaine de jeunes artistes émergents dont on reparlera certainement dans les éditions futures de la foire.
Déclinant le dessin sur des supports aussi variés que le bois, la porcelaine, la vidéo, la tapisserie ou le papier, Delphine Gigoux-Martin présente sur le stand de la galerie Claire Gastaud une installation associant plusieurs de ces techniques. Sur des panneaux de bois juxtaposés et décalés, ses dessins au fusain de paysages ou d’animaux cherchent à déjouer les contraintes d’un médium traditionnellement limité à deux dimensions pour s’échapper du support, glissant d’un plan à l’autre, créant des décalages et des tensions dans une perspective dynamique. L’artiste se sert aussi du support lui-même pour générer cette dynamique, utilisant les veines du bois pour activer son dessin ou s’inspirant des vagues créées de manière aléatoire dans la porcelaine pour y ajouter une intervention au fusain.
Près de l’entrée de la foire, la galerie Semiose présente, à côté des œuvres de Julien Tiberi sélectionné lui aussi pour le prix Drawing Now, un bel ensemble de lavis d’encre de Françoise Pétrovitch récompensée cette année par le prix de la Fondation Daniel et Florence Guerlain.
Tout au fond, à côté de la galerie C exposant le travail de Mathieu Dufois centré sur le film noir des années 1940-50, la galerie Huberty & Breyne consacre une exposition monographique à François Avril et ses portraits de grandes métropoles voisinant avec des paysages apaisants de bord de mer.
À l’étage on retiendra aussi, sur le stand de la galerie Alain Gutharc, l’accrochage des dessins d’Edi Dubien. À travers ses portraits d’enfants ou d’adolescents, souvent accompagnés d’animaux, l’artiste interroge l’identité et le genre.
À la galerie Martel enfin, qui rassemble des artistes se consacrant à l’illustration, la bande dessinée ou l’animation, une série d’aquarelles de Brecht Evens voisine avec des dessins énigmatiques de Gabriella Giandelli.
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