Expositions

Autour d’Art Basel Paris 2024

En marge de la manifestation se déroulant au Grand Palais, Art Basel Paris propose en libre accès un programme public réparti en divers lieux de la capitale. Par ailleurs, la grande foire d’art contemporain draine dans son sillage de nombreuses foires parallèles, possédant chacune leurs spécificités, et dont certaines sont déjà bien ancrées dans le paysage du marché de l’art. Voici un tour d’horizon – loin d’être exhaustif – de ce que l’on peut voir dans la capitale française cette semaine.

Programme public d’Art Basel Paris

Rompant cette année avec le traditionnel parcours de sculptures installé dans le jardin des Tuileries, lancé en son temps par la FIAC et repris depuis deux ans par Paris + by Art Basel, le programme public s’est déplacé partiellement vers les jardins du Palais-Royal, dont la taille beaucoup plus restreinte et le décor plus intimiste permet d’accueillir un nombre limité d’œuvres (de César, Thomas Schütte, Richard Long, Amilcar de Castro, Ghada Amer et Roberto Sebastian Matta) tandis que d’autres sont réparties dans une dizaine de lieux parisiens. Le Palais-Royal est un lieu séduisant pour la tranquillité de ses jardins – un havre inattendu au cœur de la ville, qui incite à la pause avec ses bancs couverts de citations d’écrivains – et pour son remarquable écrin architectural (les sculptures exposées ici sont visibles jusqu’au 26 octobre).

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Un autre lieu nouvellement inscrit dans le parcours et qui vaut le détour est l’Hôtel de Sully dans le Marais, siège du Centre des monuments nationaux, qui abrite pour quelques semaines dans sa cour et son jardin l’exposition « Hypercycle » consacrée aux œuvres de jeunesse du sculpteur britannique Lynn Chadwick(1914-2003). Organisée par la galerie Perrotin, qui présente dans ses locaux de la rue de Turenne d’autres œuvres de l’artiste, l’exposition sera suivie, au cours des deux prochaines années, de deux autres, dédiées d’une part aux œuvres de la maturité du sculpteur (qui seront montrées à New York, en 2025) et d’autre part à celles de la fin de sa vie (elles seront exposées en Asie, en 2026). Si j’aime beaucoup le travail de cet artiste, dont je connaissais surtout les petits formats, il me semble que ces grandes sculptures perdent paradoxalement une partie de leur énergie avec le changement d’échelle (Ou est-ce le riche décor sculpté des somptueuses façades de l’Hôtel de Sully qui écrase les sculptures de Chadwick ? Seules celles qui sont disposées au milieu du jardin semblent respirer un peu mieux…). On ne manquera pas d’emprunter le petit passage au fond du jardin qui débouche, comme un passage secret, sous les arcades de la place des Vosges (jusqu’au 16 novembre).

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Sur la rive gauche, le parvis de l’Institut de France accueille une sculpture-totem de Niki de Saint Phalle (1930-2002). « L’Arbre-Serpents » (1988) fait partie d’une série réalisée par l’artiste à partir des années 1980 pour exorciser un traumatisme d’enfance liée à sa peur des serpents. Le premier exemplaire fut installé dans son célèbre jardin des Tarots, en Italie, en 1982. Les couleurs vives, associées aux mosaïques-miroirs jetant des reflets colorés dans la lumière, en font une œuvre ludique et joyeuse, caractéristique du travail de l’artiste franco-américaine (elle est exposée jusqu’au 20 octobre).

Niki de Saint Phalle, L’Arbre-Serpents, 1988, Mitterand

En visitant l’exposition « A real boy » de l’artiste français Jean-Charles de Quillacq (1979) présentée dans la chapelle des Petits-Augustins de l’École nationale des Beaux-Arts, je me suis demandé comment le grand public, auquel s’adresse le programme des expositions publiques d’Art Basel Paris, peut regarder et comprendre le sens des œuvres exposées – des sculptures de mégots de cigarette, de membres humains ou de fragments de corps imprégnées des sécrétions corporelles de l’artiste – sans s’interroger sur l’adéquation de celles-ci avec le lieu choisi pour les abriter. Certes, on peut voir dans ces sculptures, dispersées entre les moulages de gisants du Moyen-Âge et d’autres monuments funéraires conservés dans la chapelle, des allégories de la fragilité de la vie, ou des vanités, mais en voyant la tête que faisaient les gardiens chargés de surveiller les lieux lors de mon passage, je me suis dit que ce n’était sans doute pas la meilleure façon d’initier un public non averti à l’art contemporain. Ni de réconcilier avec celui-ci ceux qui lui sont déjà hostiles. Comme j’ai visité la chapelle avant que les étudiants de l’École du Louvre chargés de la médiation n’y soient présents, je n’ai pas pu me rendre compte de la façon dont ils abordaient cette question, mais il me semble qu’elle mérite réflexion (l’exposition est ouverte jusqu’au 20 octobre).

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Au musée national Eugène-Delacroix, place de Furstemberg, l’artiste libanais Ali Cherri expose dans deux cabinets de curiosité ses œuvres hybrides, en dialogue avec les peintures du maître des lieux (je n’ai encore vu l’exposition, ouverte jusqu’au 28 octobre).
Retour sur la rive droite, où la place Vendôme accueille une sculpture de champignon géant – tout de même assez modeste à l’échelle de la place – de l’artiste allemand Carsten Höller (1961), fusionnant trois espèces différentes : l’amanite tue-mouches (Amanita muscaria), connue pour ses propriétés hallucinogènes, la Dame Voilée ou Satyre puant (Phallus indusiatus) à la belle robe de dentelle blanche, utilisée en Asie pour ses propriétés médicinales, et le tricholome colombette (Tricholoma columbetta), bon champignon comestible à la chair délicate, parfois confondu avec certaines amanites blanches ou avec l’entolome livide, qui sont mortelles. Passionné de biologie, Carsten Höller associe souvent dans ses œuvres des concepts scientifiques et invite les spectateurs à reconsidérer leur perception de la réalité. En s’intéressant aux propriétés des champignons, il considère leur capacité à nous transporter dans une autre réalité (« Giant Triple Mushroom » (2024), jusqu’au 24 novembre).

Carsten Höller, Giant Triple Mushroom, 2024, Gagosian

L’Hôtel de la Marine, place de la Concorde, qui constitue lui aussi une nouvelle étape dans le programme, abrite dans sa cour une sculpture de l’artiste grec Takis (1925-2019), pionnier de l’art cinétique. Intitulée « Aeolian » (1986), cette œuvres inspirée des traditionnelles harpes éoliennes « jouées » par le vent, est constituée d’un pylône en acier dont les bras horizontaux soutiennent des demi-sphères qui s’animent avec le vent en tournoyant sur elles-mêmes. On pourra regretter que l’œuvre ait été placée dans un lieu où ne souffle pas la moindre petite brise (jusqu’au 5 novembre).

Takis, Aeolian, 1986, White Cube

La maison préfabriquée (1944) de Jean Prouvé (1901-1984) est décidément un incontournable du parcours public. Déjà exposée l’an dernier dans le jardin des Tuileries – comme dans celui de l’hôtel particulier qui abritait le salon Design Miami rue de l’université -, la voilà posée au milieu de l’avenue Winston Churchill entre le Grand et le Petit Palais. Mais il est vrai qu’elle est d’une modernité indémodable. À quelques pas de là, la citrouille à pois, « Pumpkin (L) », (2014) de Yayoi Kusama (1929), emblématique de l’œuvre de l’artiste japonaise, rappelle la version monumentale qui avait occupé la place Vendôme en 2019 ((https://www.parisartnow.com/fiac-hors-les-murs-des-oeuvres-de-grand-format-exposees-dans-le-jardin-des-tuileries-et-sur-la-place-vendome/). La sculpture « Balmywisecrack » (2010) de John Chamberlain (1927-2011) est la transposition en grand format et en aluminium industriel d’une des petites sculptures instantanées réalisées par le sculpteur américain à partir des années 1980 avec des feuilles d’aluminium pour sa série « Foils » (Les œuvres installées avenue Winston Churchill sont visibles jusqu’au 20 octobre).

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Au Petit Palais se tient pendant la durée de la foire l’exposition VANITAS de l’artiste britannique Jesse Darling, lauréat du Turner Prize en 2023, associant d’une part les vitrines de son œuvre-phare « Still Life » (2017 – en cours) qui abritent des bouquets de fleurs fraiches se décomposant progressivement, allusion aux cycles naturels de la vie promis au déclin et au changement, mais aussi protestation contre la privatisation et l’exclusion économique, et d’autre part l’installation « Come on England » présentée au prix Turner, dans laquelle l’artiste tord et déforme des barrières de protection, symboles de contrôle et de restriction de la liberté de mouvement, pour montrer la vulnérabilité des structures de pouvoir et faire écho aux fractures de la société contemporaine (jusqu’au 20 octobre).

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La dernière étape du parcours se situe dans le palais d’Iéna avec une exposition mêlant vision de la féminité et cinéma, qui émane d’un des sponsors de la foire, la marque italienne Miu Miu (l’exposition, que ne l’ai pas visitée, est visible jusqu’au 20 octobre).

Les foires parallèles

Chaque année, de nouvelles manifestations artistiques viennent s’ajouter à la liste déjà longue des événements dédiés à l’art contemporain à Paris durant la semaine d’Art Basel Paris. Impossible de tout voir si l’on veut en faire le compte-rendu, mais il y a quelques incontournables.

Paris Internationale

Installée comme l’an dernier dans les beaux bâtiments désaffectés de la Centrale téléphonique Poissonnière dans le IXe arrondissement , la foire rassemble pour sa dixième édition 71 galeries et 4 participants non commerciaux de 20 pays, répartis sur cinq niveaux.
Connue pour sa sélection audacieuse et pointue, la foire s’affirme de plus en plus comme un acteur essentiel du marché de l’art contemporain à Paris.
Paris internationale, 17 rue du Faubourg poissonnière, 75009 Paris, jusqu’au 20 octobre – www.parisinternationale.com

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OFFSCREEN

Petite par sa taille, OFFSCREEN se distingue par la grande qualité de sa sélection, axée sur la diversité des formes de l’image. Pour sa troisième édition, la foire bénéficie pour la seconde (et dernière) fois du cadre exceptionnel du Grand Garage Haussmann, promis à une transformation prochaine en logements. Répartis sur les huit plateaux des quatre niveaux du bâtiment, les 27 exposants venus de 13 pays présentent les installations et expérimentations de 28 artistes – d’avant-garde, historiques ou contemporains – autour de l’image fixe et en mouvement.
OFFSCREEN Paris, Grand Garage Haussmann, 43 rue de Laborde, 75008 Paris, jusqu’au 20 octobre – www.offscreen.com

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Outsider’

Cette toute jeune et petite foire, orientée principalement vers l’art brut, occupe pour sa deuxième édition les locaux du Molière, rue de Richelieu, où elle propose une sélection de très bon niveau de neuf galeries, dont les deux tiers sont étrangères.
Outsider’, Le Molière – Paris, 40 rue de Richelieu, 75001 Paris, jusqu’au 20 octobre – www.outsiderparis.com

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A voir aussi :

Asia Now

Autre incontournable de cette semaine, la foire dédiée à l’art asiatique célèbre sa dixième édition. Installée depuis 2022 à la Monnaie de Paris, elle rassemble cette année 71 galeries de 28 pays, auxquelles s’ajoutent des installations et performances commandées spécialement pour l’événement, et la participation de la plateforme curatoriale Radicants de Nicolas Bourriaud, qui présente 18 jeunes artistes explorant le thème de la cérémonie.
(Pas encore vue, mais j’y cours !).
Asia Now, Monnaie de Paris, 11 quai de Conti, 75006 Paris, jusqu’au 20 octobre – www.asianowparis.com

The Salon by NADA and the Community

Née de l’initiative conjointe de la New Art Dealers Alliance (NADA), organisation américaine à but non lucratif soutenant l’art contemporain émergent, et de la plateforme curatoriale et pluridisciplinaire française The Community, cette toute nouvelle manifestation rassemble pour sa première édition pas moins de 52 galeries, majoritairement américaines – 27 sont européennes – dans un énorme espace du Xe arrondissement.
(Pas vue, mais à l’écoute des premières réactions entendues, les débuts semblent prometteurs).
The salon by NADA and the Community, 30 bis rue de Paradis, 75010 Paris, jusqu’au 20 octobre – http://thesalon.paris/fr

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